Courir sur la faille

Naomi Benaron

10-18

  • Conseillé par
    12 juin 2016

    Il est des livres dont on arrive au bout sans avoir l'impression de les avoir commencés. Un sentiment un peu irritant d'inabouti. Courir sur la faille est de ceux-là, nonobstant un très joli titre. gracedubois


  • Conseillé par
    24 juin 2015

    courir sur la faille

    Jean-Patrick Nkuba, un jeune Tutsi, est aussi rapide qu'un guépard et pourrait envisager de participer aux jeux olympiques. Oui mais... Il y a dix ans, il n'était qu'un adolescent qui se défoulait, et toute compétition d'envergure internationale restait un rêve inaccessible. Aujourd'hui, en ce printemps 1994, alors qu'il a des ailes et de l'entraînement, le gouvernement hutu ne le laissera pas représenter sa patrie. La haine a gangrené le pays, la terreur envahi les villages, et la faille entre les deux ethnies s'est creusée un peu plus profondément. La seule solution serait de se procurer un faux passeport, ce qui signifierait renier ses origines, sa famille, ses convictions. Naomi Benaron, dont c'est le premier roman, est Américaine. Elle a la particularité d'être à la fois écrivain et marathonienne. Elle est tombée amoureuse du Rwanda en 2002 et a su d'emblée que, si elle écrivait un jour, ce serait sur lui. A côté du réel intérêt historique de son récit, on ne peut qu'admirer aussi sa force d'évocation. Sa peinture des paysages, d'abord, dont on sent qu'ils l'habitent, puis de la population qui en dix ans a vu des amis de toujours se transformer en ennemis à jamais. Elle analyse également, comme quelqu'un qui les connaît de l'intérieur, la souffrance et les tourments du sportif poussant son corps à ses extrêmes limites, jusqu'au jour où courir vite n'est plus un sport mais une affaire de survie. Naomi Benaron décrit enfin cette guerre civile de manière presque intimiste, et prouve que la fiction reste parfois la manière la plus percutante de raconter l'Histoire.

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  • Conseillé par
    6 décembre 2013

    En 1984, Jean-Patrick a 9 ans quand son père décède dans un accident de la route.Homme de paix et de sciences, il avait toujours préservé ses enfants d'un passé marqué par les violences inter-ethniques. En s'installant chez l'oncle Emmanuel, la famille renonce à la modernité et à l'aisance; et Jean-Patrick et son frère Roger apprennent des bribes de l'histoire de leur famille. Pour eux, c'est un choc, ils se pensaient rwandais, ils se découvrent Tutsis, Tutsis dans un pays où les Hutus ont le pouvoir. Le temps passant, les tensions s'exacerbent, la conscience politique de Roger s'éveille. Jean-Patrick, lui, a appris qu'un Tutsi doit être le meilleur pour réussir. Ses bons résultats lui permettent d'intégrer l'université de Butare où il fait des merveilles sur la piste d'athlétisme.

    Entraîné par l'énigmatique Rutembeza, le jeune homme améliore ses performances et caresse le rêve de représenter le Rwanda sur 800 mètres aux prochains jeux olympiques. Mais le sport n'est pas un refuge hermétique et Jean-Patrick ne peut pas ignorer les violences qui se multiplient. Roger le met en garde, Rutembeza lui procure une carte d'identité hutue et surtout Béa, la fille dont il est tombé amoureux au premier regard, militante pour la paix, tente de lui ouvrir les yeux sur le danger qui guette. Quand, en avril 1994, le président Habyarimana est victime d'un attentat, les extrémistes hutus en profitent pour attiser la colère du peuple à l'égard des Tutsis. Les massacres, organisés et systématiques, n'épargnent ni les Tutsis, ni les Hutus qui les soutiennent. Le Rwanda est à feu et à sang.

    «Même s'il passe ses journées ailleurs, Dieu revient chaque nuit au Rwanda». Peut-être Dieu avait oublié ce proverbe cher à Jean-Patrick et Béa en cette funeste année 1994 où le Rwanda a connu la pire des guerres puisqu'elle était fratricide. Des rivalités qui remontent à l'époque de la colonisation belge, des humiliations subies de part et d'autre, une animosité latente, et soudain une occasion saisie de mettre le feu aux poudres, de manigancer pour éradiquer toute une partie de la population, telle est l'histoire que nous raconte Naomi Benaron à travers le destin de la famille de Jean-Patrick, le coureur de fond tutsi et de sa bien-aimée hutue, la courageuse et idéaliste Béa. Sans pathos excessif, sans manichéisme, elle nous donne à voir un Rwanda mis à mal par la bêtise humaine où on s’entre tue entre voisins, entre amis. Massacres, incendies, viols, sont perpétrés sous le regard indifférent des forces armées occidentales. Mais le Rwanda des agriculteurs, des pêcheurs, des cultures en terrasses, du magnifique lac Kivu, n'est pas uniquement la terre qui a subi ce terrible génocide. A travers ses personnages, l'auteure nous raconte aussi l'histoire de hutus qui ont accueilli, caché, sauvé des tutsis, d'occidentaux qui sont restés jusqu'au bout aux côtés de leurs amis africains, d'hommes et de femmes qui n'ont pas oubliés qu'ils étaient avant tout des êtres humains.
    Un récit qui commence tranquillement puis monte en puissance, comme un 800 mètres bien maîtrisé. On s'attache à ces rwandais, quelle que soit l'ethnie à laquelle ils appartiennent, on tremble de voir le danger et la mort les approcher et bien sûr on pleure leurs proches assassinés, leurs rêves tués dans l’œuf, leur pays martyrisé par la haine. Un grand livre, une belle leçon de vie, un hommage à ceux qui ont péri sous les coups de machettes ennemis.