LA VIE DE L'AUTRE COTE
EAN13
9782845921153
ISBN
978-2-84592-115-3
Éditeur
Presses du Châtelet
Date de publication
Collection
PHENOMENES MYST
Nombre de pages
240
Dimensions
22,8 x 14,3 x 2,2 cm
Poids
330 g
Langue
français
Code dewey
133.909
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eISBN 978-2-8459-2580-9

Copyright © Presses du Châtelet, 2004.

Préface

J'ai rencontré Michèle Decker le 30 janvier 2002 au Festival Science-frontières de Cavaillon, ce rendez-vous annuel des prix Nobel de demain, qui confrontent en public leurs découvertes, leurs interrogations et les techniques de censure plus ou moins repérables qu'on utilise à leur encontre. De l'astrophysicien au biologiste, de l'écopharmacien au spécialiste des catastrophes naturelles, du sociologue traqueur de sectes à l'agriculteur en guerre contre les OGM, tous se retrouvent avec le même plaisir d'amitié pour une semaine de rêve lucide : le seul moyen de changer un jour le monde, en aidant l'évolution des consciences pour qu'elles résistent au désespoir, au fatalisme, à la raison d'État.

Ce jour-là, dans le salon des petits déjeuners de l'hôtel du Parc, une dame énergique et paumée, traînant trois énormes sacs d'où dépassaient des plans roulés, des cahiers, des classeurs et des feuilles en vrac, interpellait vigoureusement les clients sur un ton de détresse : « Bonjour, y a-t-il des scientifiques parmi vous ? » Des têtes se levaient, des doigts, des croissants. Alors Michèle Decker allait se présenter, demandait à chacun sa spécialité, plongeait dans ses sacs : « Vous êtes astronome ? Ça doit être pour vous. » Et l'heureux élu recevait une liste de données, des graphiques, ou des pages de calculs entrecoupés de dessins. « Dites-moi si ça veut dire quelque chose pour vous : moi je reçois, mais je ne comprends rien. » Peu à peu, les importunés encore mal réveillés abandonnaient leur tasse, se levaient pour examiner les pièces, échangeaient les documents distribués à l'aveuglette. « C'est pas pour vous embêter, mais je suis belge, je vis à la campagne et je n'ai personne à qui parler de ça : j'en peux plus », expliquait la dame en vidant ses sacs pour qu'ils trouvent leur bonheur.

Étonné par cette scène, mais déjà en retard pour la conférence que je devais donner sur les rapports entre la science et l'imaginaire, je traversais la salle en finissant ma tartine, slalomant entre les groupes où fusaient des commentaires variés. Dans le hall, je tombe sur le grand dessinateur et sinologue Patrice Serres, affalé dans un fauteuil, absorbé par l'étude d'une immense feuille déroulée couverte de symboles hermétiques. Je m'approche. « C'est dingue, murmure le géant barbu aux lunettes embuées, c'est l'alphabet présinaïtique. Elle a même écrit le nom du général Bébi... Ces cinq idéogrammes, je les connais. Les quatre autres, là, ce sont des variantes simplifiées du sinaïtique. Mais les trente caractères restants, je ne les ai jamais vus... »

Et il m'explique qu'en 1997, alors qu'on pensait que l'alphabet sinaïtique était le plus ancien du monde, on en découvrit un autre, dans la Vallée des Rois, avec des parentés certaines, mais datant de 1800 av. J.-C. Selon toute probabilité, il avait été composé par des étrangers nomades : à partir des idéogrammes égyptiens désignant les mois lunaires, ils avaient coupé chaque dessin en deux pour obtenir vingt-quatre caractères, et fixer ainsi phonétiquement leur langue. Quant au général Bébi, qu'on situe historiquement de manière précise, il était chargé par le Pharaon de contrôler les marchands dans la Vallée des Rois. Or, cinq ans après cette découverte, aucune publication n'avait encore été effectuée, et il était donc impossible qu'une campagnarde belge connaisse ces idéogrammes. Des années de travaux sur l'origine de l'écriture chinoise avaient amené Patrice Serres à étudier cet alphabet avec un chercheur du CNRS, mais les initiés dans son cas se comptaient sur les doigts d'une main. « Et ce n'est pas tout, enchaîne-t-il, regardez la structure en escargot qui porte les caractères : c'est exactement de cette manière qu'écrivaient les présinaïtiques. Mais qui lui a donné ces infos ? »

C'est là où le problème commence. Michèle Decker est femme de gendarme, elle élève ses trois enfants et cultive son potager dans un village perdu près de la frontière luxembourgeoise ; c'est une personne tout d'une pièce, autodidacte, les pieds sur terre et la main à la pâte. Un jour, dans des circonstances que vous allez découvrir en lisant son témoignage, l'au-delà surgit dans son train-train quotidien. « L'autre côté », plutôt, comme elle le nomme avec un mélange de prudence et de modestie. Et commence alors une double, une triple vie. Les consultations médiumniques, les « nettoyages » de maisons hantées, le radioguidage des âmes errantes, les demandes de guérison lorsque la médecine avoue son impuissance, et, entre deux lessives et trois ménages, ces « données » reçues par écriture automatique ou saisie intuitive sur son ordinateur. Ces pages de graffitis alphabétiques, de formules chimiques, de souvenirs de civilisations disparues, de calculs d'architecture expliquant les pyramides ou les cathédrales, ces descriptions de bactéries soignantes, ces consignes pour fabriquer des alliages inconnus... Tous ces kilos de papiers auxquels elle ne comprend rien, et qu'elle empile dans des paniers à linge.

Qui lui parle ? Son inconscient, la mémoire collective, des « guides » immatériels, ses ancêtres, une civilisation extraterrestre, un génie télépathe enfermé dans le coma ? Je n'ai pas de réponse. J'essaie d'être objectif, partagé entre ma méfiance instinctive envers les voyants – ces squatters du libre arbitre – et ma sympathie pour la personnalité de Michèle. Son honnêteté, la gratuité et l'inconfort de sa situation sont des certitudes. L'authenticité, la portée et la nature inexplicable de certaines « données » sont évidentes pour les scientifiques qui, toutes disciplines confondues, se sont penchés sur le contenu de ses paniers à linge. D'autres informations demeurent pour eux incompréhensibles, noyées dans un charabia qui, par contraste, exalte la clarté du reste. Quant à ses motivations, au sens de sa démarche, c'est avant tout l'instinct de survie. Tiraillée entre les vivants et les morts, la pression de sa famille, le harcèlement des accros du tarot qui lui demandent leur avenir, leur guérison ou un retour d'affection, et l'insistance de « l'autre côté » qui dévide ses messages sans lui demander son avis, Michèle était au bord de craquer lorsque je l'ai rencontrée. Elle n'en pouvait plus de ces heures perdues à prendre sous dictée des révélations dénuées de sens pour elle, et sans usage pour les autres. Elle avait même lancé à ses « informateurs » un ultimatum : « Ou vous m'envoyez un scientifique pour m'expliquer ce que j'écris, ou j'arrête tout. » Huit jours plus tard, le biologiste Gilbert Maury, élève de Rémy Chauvin, entendait parler des données reçues par cette Belge inconnue, et, dans l'intention de la confronter à des spécialistes, l'appelait pour l'inviter au Festival Science-frontières.

Aujourd'hui, deux ans après le « choc » de Cavaillon, Michèle Decker reste en contact avec certains chercheurs qui tentent de décrypter ses messages, et la font participer à leurs travaux. Mais les retards, les obstacles, les malentendus et l'opposition viscérale des cartésiens sectaires sont aussi puissants qu'au temps du physicien Yves Rocard, adulé en tant que père de la bombe atomique française, mais coupable d'avoir travaillé avec des sourciers pour comprendre le mécanisme de détection des très faibles signaux géophysiques. Alors Michèle en est toujours au même point, déchirée entre ce qu'elle voudrait et ce qu'on attend d'elle, sans savoir où cela mène, sacrifiant son temps, sa santé et sa vie de femme pour rester disponible aux demandes des chercheurs, sans se dérober pour autant aux appels au secours d'ici-bas comme aux sollicitations « d'ailleurs ».

Ce livre, bien plus qu'un cri de l'ego ou l'espoir de retombées médiatiques, était pour elle une nécessité profonde, le besoin de reprendre le pouvoir sur les forces qui l'exploitent. Et, pour le lecteur, c'est le p...
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